Mort de Nahel : reconstitution, suspect sous contrôle judiciaire, version policière mise à mal… Où en est l’enquête ?
Une reconstitution des faits aura lieu ce dimanche 5 mai à Nanterre (Hauts-de-Seine) dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Nahel, tué par le tir d’un policier, le 27 juin 2023. Entre-temps, celui-ci a été libéré, mais sa version est mise à mal. Ce que l’on sait de l’enquête.
Plus de 11 mois après les faits, l’enquête pourrait basculer. Ce dimanche 5 mai, les magistrats en charge de l’enquête sur la mort de Nahel, ont décidé d’organiser une reconstitution des faits. Le 27 juin 2023, un adolescent de 17 ans avait été tué par le tir d’un policier à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Ces dernières semaines, "l’information judiciaire a progressé" ont indiqué les juges d’instruction, grâce notamment à l’audition des parties civiles et des deux policiers. Avant la reconstitution des faits, La Dépêche du Midi fait un point sur l’enquête.
Un refus d’obtempérer qui tourne mal
Le drame a lieu le mardi 27 juin 2023 au matin. Deux motards de la Direction de l’Ordre Public et de la Circulation de la préfecture de police aperçoivent une Mercedes classe A jaune, qui roule sur une voie de bus à grande vitesse. Malgré les "avertissements sonores et lumineux" indiquant la volonté d’effectuer un contrôle, le véhicule "a redémarré en grillant le feu". Cette version a été confirmée par l’un des passagers de la voiture âgé de 14 ans.
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S’ensuit une course-poursuite sur plusieurs axes de Nanterre alors que les "policiers indiquent avoir, à ce moment, de nouveau activé leurs 'deux-tons' [gyrophare bleu et avertisseur sonore, NDLR]" selon les mots du procureur de la République. Nahel, qui n’a que 17 ans et ne possède pas le permis, est contraint de s’arrêter à cause d’un embouteillage. Les policiers mettent pied à terre et affirment tous les deux avoir sorti leurs armes et les avoir pointées sur le conducteur pour "le dissuader de redémarrer en lui demandant de couper le contact", précise le procureur.
L’adolescent redémarre et l’un des policiers, Thomas M., tire un coup de feu dans le thorax de Nahel. Quelques secondes après, la voiture s’encastre dans un panneau et malgré de nombreuses tentatives de réanimation prodiguée par le fonctionnaire auteur du tir, la mort de Nahel est officiellement constatée à 9h15.
La version des policiers mise à mal
Rapidement, la question de la légitime défense se pose. Lors de son audition, le motard explique son geste en affirmant qu’il avait "la volonté d’éviter une nouvelle fuite du véhicule", afin d’empêcher toute nouvelle situation dangereuse. Pour les juges d’instruction du tribunal de Nanterre, le véhicule conduit par Nahel n’a pas dévié vers la gauche. Le premier rapport d’intervention mentionnait que "le conducteur a essayé de repartir en fonçant sur le fonctionnaire".
Une version mise à mal, notamment par de nombreux témoins, au nombre de 5, dont trois qui ne connaissaient pas Nahel. Ils ont témoigné avoir vu les fonctionnaires de police donner des coups de crosse à Nahel, ce que les deux hommes niaient. Pourtant, l’adolescent présentait "deux ecchymoses au bras gauche" selon le rapport d’autopsie. Ce qui pourrait être des lésions compatibles avec des blessures de "défense".
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Le rapport de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) est également allé dans ce sens. L’analyse note que l’agent mis en cause n’était pas "directement menacé" par la voiture de l’adolescent au moment du tir. Un constat qu’ont également fait les juges d’instruction de Nanterre qui ont indiqué que "l’on ne voit à aucun moment le véhicule dévier sur la gauche au moment où il redémarre".
"Coupe" ou "shoote" ?
En plus des témoignages, une vidéo postée sur les réseaux sociaux est venue contredire les mots des deux policiers. La famille de Nahel a par la suite déposé plainte pour "faux en écriture publique" de la part d’un agent de l’État. Les paroles, proférées par les policiers, posent en effet problème. Car selon un rapport de l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN) auquel nos confrères d’RTL ont eu accès, deux versions s’affrontent.
Celle des policiers qui assurent avoir dit à Nahel "coupe (le moteur, NDLR"). Mais un homme d’origine galloise, qui ne parle qu’anglais et qui se trouvait au sein d’un VTC au moment des faits" atteste avoir entendu "shoot". Une version qui rejoint celle d’un des deux passagers présents dans la voiture. Selon Me Karen Noblinski, son avocate, le policier à la fenêtre aurait braqué son arme sur la tempe en le menaçant, avant que le second policier ne lui dise "shoote-le".
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Le policier libéré
De son côté, Florian M, a été libéré. Mis en examen pour homicide volontaire et écroué depuis le 29 juin, le motard de la police avait demandé sa remise en liberté le 6 juillet, une demande rejetée par la chambre de l’instruction. D’autres avaient suivi, avec le même résultat, afin d’éviter une pression sur les témoins.
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Mais le 9 novembre dernier, une nouvelle demande est acceptée car les juges ont reconnu qu’il existait encore "des divergences entre les versions données". Ils ont également estimé "que les critères légaux de la détention provisoire du policier incarcéré depuis le 29 juin 2023 n’apparaissaient plus remplis à ce stade de l’instruction". Le 15 novembre 2023, soit près de 5 mois en détention provisoire, Florian M., a été remis en liberté sous contrôle judiciaire avec une interdiction d’entrer en contact avec les témoins et les parties civiles, de paraître à Nanterre et de détenir une arme.
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Une reconstitution décisive ?
À l’heure actuelle, aucune date n’a encore été avancée pour un éventuel procès. Toujours est-il qu’une reconstitution aura lieu ce dimanche 5 mai, à Nanterre. Et ce malgré la demande de délocalisation [le changement de tribunal, NDLR] de Me Thibault de Montbrial, avocat du collègue de Florian M, qui a été placé sous le statut de témoin assisté. Les magistrats se sont montrés rassurants quant à la sécurité de cette procédure judiciaire."C’est une aberration", a commenté l’avocat, à 20 minutes.
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"Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène de crime, c’est un moment fort", a de son côté expliqué Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel, auprès de l’AFP. Cette reconstitution aura pour objectif de comprendre ce drame et d’opposer les deux versions. La mort de Nahel avait donné lieu à de nombreuses nuits d’émeutes dans la France entière.
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