Dans le vignoble, le "patriarche" se fâche : "C’est plus facile de vendre une caisse de 12 mitraillettes que de 12 bouteilles de vin"
Arnaldo Dimani, à la tête du Domaine viticole « Le Bout du Lieu », cristallise la colère des vignerons lotois impactés par le gel. Il n’a pas la langue dans sa poche. La preuve ce vendredi face à François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains aux élections européennes. Le « patriarche » a frappé du poing sur la table.
L’exploitation viticole du Domaine « Le Bout du Lieu » jouit, entre Luzech et Saint-Vincent-Rive-d’Olt, d’une réputation acquise et développée de père en fils au fil des ans. Des décennies où les caprices de la météo et les effets du gel ont aussi souvent contrarié la récolte et donc la production de bouteilles de vin de Cahors. Contrariété qui cède place à la colère quand ces épisodes se répètent sans qu’aucune solution ne vienne sauver le vigneron de la crise.
« Ici nous produisons essentiellement, sur 20 hectares, 98 % de vin de Cahors et de l’IGP Côtes du Lot. Notre domaine date de 1998. Auparavant, mes parents étaient coopérateurs. Ils vendaient le raisin en cave coopérative. Mon père était administrateur. Désormais on trouve aussi notre production dans notre chai » détaille Lucien Dimani, le fils d’Arnaldo.
Des années très compliquées
Les deux viticulteurs ont connu le meilleur et le pire. Leur savoir-faire leur a permis de faire naître des millésimes exceptionnels, encore une fois quand les conditions météorologiques le permettaient. Leur défi c’est de « faire chaque fois mieux que l’année précédente », mais les temps sont durs.
« On peut vous parler de 2017, 2019, 2021, 2023, 2024. Ces années ont été très compliquées. Particulièrement l’année 2017, mais mon père se souvient aussi très bien de 1991. Ce n’est pas facile de lutter contre ça » soupire Lucien Dimani. Puis, son père se rapproche. Arnaldo Dimani est appelé affectueusement « le patriarche » par le député du Lot Aurélien Pradié présent ce vendredi sur l‘exploitation avec François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains pour les élections européennes (lire plus bas).
« En fait, on vit sur nos réserves »
Arnaldo a son franc-parler. Il ne mâche pas ses mots et a voulu faire connaître aux deux hommes son opinion sur sa profession en péril. « C’est très simple, pour lutter contre ces difficultés qui se répètent on met du vin de côté. En fait, on vit sur nos réserves. Chaque fois que nous faisons cela, parce que nous ne pouvons pas agir autrement, l’État nous fait payer des impôts supplémentaires. Le comble c’est qu’il s’agit d’impôts sur des réserves que nous n’avons pas encore vendues. C’est un gros problème » s’agace Arnaldo.
15 000 bouteilles cette année au lieu des 100 000 habituelles
Lors d’une année idéale, sans le moindre pépin, la production du domaine avoisine les 100 000 bouteilles. « Cette année on va tout juste atteindre les 15 000. Je signe tout de suite si l’on me dit que nous pourrons produire 20 000 bouteilles. Nous ne sommes bien sûr pas les seuls dans cette situation » reprend Lucien. Puis Arnaldo revient à la charge. Il ne décolère pas.
« Depuis 1990 nous avons vécu des situations réglementées qui ont été changées par des situations libérales. Pour nous, la libéralisation n’a été ni plus ni moins que du terrorisme commercial validé par les différents présidents, ministres de l’agriculture, de la santé et de l’écologie. Le ministère de la santé ne nous aide pas. Il faudra m’expliquer comment on peut exporter du vin en disant autant de mal sur les productions françaises dans notre pays qui possède pourtant le premier vignoble du monde. C’est le plus maltraité ! »
Les mots forts et sincères d’un homme en colère
Très remonté, le « patriarche » plein d’expérience n’est pas décidé à mettre de l’eau dans son vin en distillant un message puissant : « Permettez-nous de travailler sans abuser des prélèvements que vous nous faites subir. L’économie viticole vaut autant que toute autre économie. C’est plus facile de vendre une caisse de 12 mitraillettes que de 12 bouteilles de vin » conclut-il. Des mots forts parce que le vin est le gagne-pain de toute une profession qui « trinque » douloureusement dans le Lot avec des taxes qui l’étranglent.
François-Xavier Bellamy et Aurélien Pradié : la viticulture, enjeu européen et thème de campagne
Ce vendredi, en terres lotoises, François-Xavier Bellamy, accompagné par le député du Lot Aurélien Pradié dans l’exploitation d’Arnaldo et Lucien Dimani (lire ci-dessus), a bien sûr placé la viticulture et la crise viticole au centre de ses priorités. Arnaldo Dimani lui a bien fait comprendre qu’il fallait sauver le soldat vigneron.
« J’ai bien compris le message. Le problème soulevé ici est national. Il repose sur des manières contestables d’interpréter la loi. Il faut homogénéiser les règles en Europe. Il ne doit pas y avoir des différences de réglementation. Nous devons construire une politique agricole européenne dont la mission première consistera à soutenir les agriculteurs. La politique agricole n’est pas faite pour les pénaliser, les contrôler, créer de la complexité et de la défiance, mais au contraire pour soutenir cette profession et lui permettre de faire face aux situations de crise » insiste-t-il. Conscient du travail qui reste à accomplir, le candidat des Républicains aux Européennes de juin 2024, compte encore arpenter le terrain.
« On ne peut pas prendre de décisions sans avoir parlé avec ceux qui vivent la réalité concrète de la vie. J’ai passé 5 ans à rencontrer les Français et notamment le monde agricole. Je tire la sonnette d’alarme avec eux. »
Eux, c’est-à-dire, dans le Lot, avec les principaux représentants des viticulteurs du département : Sébastien Sigaud, Nicolas Fournié, Caroline Cassot, Sébastien Bernède… Tous ont relayé le discours d’alerte de la famille Dimani qui fait mieux que se battre pour elle-même.
Son principal souci c’est de dire que tous les vignerons sont dans la même galère et qu’une vague de gel de plus serait la vague de trop. Celle qui ferait chavirer une économie qui fait la fierté et la renommée du Lot.
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